IL NE RESTE PLUS QU'ALLER EN ACHETER !
J'ai eu le plaisir de préfacer ce magnifique album.
"La vraie patrie des hommes, c’est leur désir."
Léon Bloy (1884)
Le révélateur du globe. ed. A.Sauton. Paris. p 78.
En famille, j’ai l’honneur de me parfumer du titre de «
Papi Jean » que me confèrent dans des pépiements d’hirondelles deux
petites demoiselles espiègles et sautillantes de trois et six ans lorsque je
leur rends de trop rares visites à mon goût dans leur logis des Monts du Forez
(France). Pour l’une de ces occasions, l’an passé, j’avais glissé dans ma
valise, parmi de nombreux autres cadeaux, deux albums à colorier joliment
titrés "Sans oublier les couleurs" publiés par Sans Oublier le
Sourire. Au moment de les offrir, un léger doute : allaient-ils être agréés par
mes petites princesses que je savais si sensibles à l’esthétique lisse et
industrielle de la Reine des neiges, égérie de l'époque? Je fus
instantanément rassuré. Elles sortirent avec l’impatience frémissante que
seuls peuvent avoir les enfants - et ceux parmi nous qui le sont un peu restés
- tous les crayons et feutres que recelait la maison et se lancèrent avec
gourmandise dans le coloriage et la création de nouveaux dessins. J’expliquais
maladroitement pendant ce temps que ces dessins avaient été créés par des
personnes qui… que… des artistes de Montréal… les parents me prêtaient une
attention polie de laquelle les enfants, tout à leur plaisir, se sentaient
exemptées. Et quand l’année suivante, je suis retourné - enfin! - chez elles,
si j’avais pensé à ces albums, je les aurais présumés enfouis sous des
sédiments de cadeaux dont la durée de vie est proportionnelle à la fréquence à
laquelle on en accable généralement les enfants. Que nenni ! Dès le premier
soir, elles vinrent me montrer les albums parmi une multitude de leurs autres
chefs-d’oeuvre. Et on en parla, et on s’en régala, et on en inventa bien
d’autres contes et histoires. Et c’est ainsi que l’imaginaire des uns féconde
l’imaginaire des autres. C’est ainsi que l’humain rencontre l’humain pour lui
transmettre une part d'héritage et dans le même geste en recevoir son dû. Il n’y a pas de désir minuscule[1] dans
une âme artiste. Il faut seulement ne pas avoir appris à renoncer à sa capacité
de créer, ne pas y avoir été contraint par les exigences impitoyables de la
société productiviste. Les artistes qui nous partagent leurs oeuvres et
interpellent notre créativité dans ce deuxième album nous disent à leur manière
: « Qu’as-tu fait de ton désir de
t’exprimer, de créer, de rêver? Quelle est ta vision du monde? Nous avons mis
dans la nôtre des éclats de celle de Picasso, de Klimt et de bien d’autres…
Nous aimerions tant partager cela avec toi … » Ne les décevez pas ! A
vos crayons et que gicle la couleur ! Que votre imaginaire réponde à leur
imaginaire ! Que les âmes dialoguent silencieusement, à distance et à travers
temps, certes, mais intimement pour réinventer le monde plus grand, plus
surprenant, plus débordant, multiple et irisé ! Alors, les artistes de cet
album auront eu à travers vous leur heure de gloire, ils auront été utiles… que
dis-je, indispensables à la beauté du monde. Ils y auront eu leur part. Et ce
n’est pas rien que d’avoir part, ... à
part entière[2]
!
Jean
Horvais - professeur au département éducation et formation spécialisées - UQAM
[1] Expression inspirée de : Gardou, C.
(2012). La société inclusive, parlons-en! : il n’y a pas
de vie minuscule. Toulouse: Érès éditions.
[2] Le 4 juin 2009, le gouvernement du Québec a adopté
la politique A part entière : pour un
véritable exercice du droit à l'égalité. Celle-ci a pour but d'accroître la
participation sociale des personnes handicapées sur un horizon de 10 ans.
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